“Je ne suis pas un homme facile”: les maladresses d’un film féministe

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Lorsque Damien se réveille après un choc malencontreux contre un poteau, la société patriarcale est bouleversée de façon radicale et dominée par la gent féminine. Crédible ? Malheureusement pas. Cependant, son malheur nous ouvre les yeux sur l’inégalité des sexes.

Je ne suis pas un homme facile (2018) plonge le spectateur dans un univers régi par le matriarcat. La française Éléonore Pourriat a réalisé ce film après son court-métrage Majorité Opprimée, portant aussi sur la question féminine. La réalisatrice en tire un long métrage qui devient le premier film Netflix en langue française. Sa victime idéale pour le rôle principal est Vincent Albaz, un acteur rayonnant de virilité et qui a tout pour plaire. Il joue le rôle d’un Don Juan misogyne appelé Damien qui – à la suite d’un choc vigoureux – se retrouve dans une société matriarcale.

Tout est identique dans cette société, sauf que ce sont les femmes qui tiennent les rênes du pouvoir non seulement sur le plan professionnel, où elles occupent les postes les plus éminents, mais aussi sur le plan social. Ce sont par exemple elles qui draguent et qui portent la culotte à la maison. Une femme prototypique de ce monde dominé par le nouveau sexe fort est Alexandra, dont le rôle est joué par Marie-Sophie Ferdane. Elle attire immédiatement l’attention de Damien et le film tourne autour leur relation amoureuse. Mais Damien est-il capable d’abandonner ses points de vue stéréotypés sur les femmes ?

Briser les stéréotypes…

Au fil de l’histoire, le sexe masculin a souvent été considéré comme prédominant à tous égards. Il suffit de penser aux postes élevés dans la vie quotidienne tels que les chefs d’entreprise qui sont généralement (mais heureusement pas exclusivement) des hommes. Damien est un de ces hommes de pouvoir, convaincu que le monde lui appartient. En tant que machiste, il considère que les femmes doivent se conformer à la volonté des hommes et rester sage et docile. Le monde dans lequel il se réveille devient donc son pire cauchemar : devoir s’épiler les jambes, porter des shorts courts « sexy » … En renversant le partage des genres, la réalisatrice crée des effets humoristiques, qui contribuent à une plus grande prise de conscience du public.

L’attention particulière aux détails est un bel exemple de l’interaction entre l’humour et la prise de conscience à l’œuvre. Dans la rue, on voit les panneaux de publicité pour des produits de beauté qui sont tournées en dérision. Lors d’un gros plan d’une étagère on voit la littérature française « féminisée » avec des noms comme Marcelle Proust et Honorine de Balzac. Même l’œuvre de Flaubert a changé de titre, devenant « Monsieur Bovary ». Un autre détail frappant réside dans le fait qu’au poker, jeu de carte masculin par excellence, les dames (c’est-à-dire les reines) l’emportent sur les rois. Autant de détails amusants et révélateurs de la réalité des rapports de dominantion entre les sexes et des stéréotypes de genre.

Littérature « féminisée » : Maurice Duras, Marcelle Proust, Honorine de Balzac, Jane Steinbeck et Monsieur Bovary de Flaubert ©Netflix

Éléonore Pourriat n’est pas la première à mettre en scène un monde gynocratique. Quatre ans plus tôt, le réalisateur très connu en France Riad Sattouf avait déjà critiqué les inégalités entre hommes et femmes dans son film Jacky au royaume des filles en utilisant un procédé semblable. Elle n’est donc pas la première à traiter de ce thème toujours en vogue de nos jours. En traitant aussi du viol et des agressions sexuelles, Je ne suis pas un homme facile nous rappelle l’importance du mouvement #MeToo.

… ou les renforcer ?

Mais il ne suffit pas de mettre en lumière l’inégalité des sexes. On devrait aller plus loin, au-delà de cette opposition binaire simplifiée. En façonnant les femmes sur le modèle des hommes – comme c’est le cas concernant le personnage d’Alexandra – les mêmes stéréotypes qu’on veut briser sont simplement projetés sur une autre réalité. L’adaptation de Damien à son nouveau rôle social se limite à des changements superficiels, qui ne concernent que des apparences. S’il veut proclamer ses droits en tant qu’homme, les femmes le désignent comme un « masculiniste ».

En bref, il s’agit d’une image féminine qui est littéralement mise en miroir. Par conséquent, la façon dont la réalisatrice traite de ce thème important reconduit cette même dichotomie sous-jacente. Il est donc regrettable qu’elle ne montre pas un monde où ces stéréotypes ont complètement disparues. La psy de Damien, joué par nul autre que la réalisatrice même du film, nous fournit pourtant une première réflexion sur ce monde au-delà des stéréotypes en se demandant : « Il pourrait pas y avoir une troisième voie? Un monde dans lequel les hommes et les femmes s’épaulent? ». Pourquoi pas ! Une belle question qui mérite davantage de réflexions.

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